D’où vient cette passion pour les langues ? Et comment arrives-tu à maîtriser plusieurs langues aussi bien ? Dans mon enfance, j’ai beaucoup voyagé avec mes parents. En Angleterre, en Allemagne, en Grèce… La découverte de la Russie, lorsque j’avais sept ans, m’a fortement marquée. Nous voyagions en car jusqu’à Nijni-Novgorod, Moscou, Léningrad (à l’époque), j’en garde de très beaux souvenirs, aujourd’hui encore.
Je regardais aussi tous les films en version originale, quelle que soit la langue. Je dévorais les épisodes des Monty Python par exemple et m’amusais à répéter leurs sketches. Je pense que le fait d’avoir entendu toutes ces langues si tôt m’a beaucoup aidée plus tard dans mon apprentissage des langues étrangères, l’allemand, l’anglais, puis le russe. J’ai aussi pris des cours de grec ancien et de latin. La passion des langues date de ma plus tendre enfance.
Qu’est-ce que ta formation d’interprète de conférence à la HES de Zürich (ZHAW) t’a apportée ?
J’y ai appris la technique de l’interprétation consécutive et simultanée, la rigueur, la rapidité. Ainsi que de précieux conseils qui m’accompagnent aujourd’hui encore, sur l’importance d’une préparation de qualité, la façon de jouer de sa voix et de l’utiliser à bon escient, le fait de savoir qu’être interprète, c’est se former en continu, en langues, dans le domaine de l’actualité. Et surtout de rester curieux.
Interprète ou écrivaine : deux mondes qui ont notamment en commun l’utilisation des mots, d’une langue. Comment en es-tu arrivée à écrire un premier livre ?
J’ai tout d’abord pris des notes pendant quatre ans environ, des impressions, des situations, réelles ou imaginées. Des réflexions sur le métier d’interprète et sur notre rôle. Des observations aussi, dans le bus, dans le train, à tout moment de la journée. Puis l’intrigue est née, sa dramaturgie également. C’est avant tout l’amour de ce beau métier qui m’a donné envie d’écrire. Le désir aussi, de le faire découvrir au grand public car il est méconnu. Ouvrir la porte de la cabine de l’interprète de conférence, ce huis-clos dont seules quelques personnes franchissent le pas et qui fascine, car souvent inaccessible.
Et ton dernier roman paru en hiver 2021 « Acrobate de l’instant » fait référence au remplacement des interprètes par les machines. Comment vois-tu l’avenir de ton métier face à la digitalisation/robotisation galopante de notre monde ?
Notre beau métier change actuellement. La pandémie n’a fait qu’accélérer une tendance qui avait déjà commencé précédemment. J’ai commencé à écrire mon roman avant la crise de la Covid et il est impressionnant de voir comment certaines évolutions que l’on pressentait sont survenues beaucoup plus vite qu’on ne le pensait : la RSI (interprétation simultanée à distance) par exemple, c’est-à-dire la suppression de la cabine sur le lieu de la conférence, le rejet de l’interprète en dehors du décor, contraint d’interpréter depuis un autre endroit, parfois depuis chez lui, dans son bureau, dans sa cave… Je crois toujours que la machine ne pourra pas remplacer l’humain, ses sentiments, ses rêves, ses peurs. Un discours, c’est plus que des mots, c’est une intonation, des sous-entendus, c’est un dialogue avec le public, un échange. Les robots, les algorithmes s’insèrent dans notre quotidien d’interprète mais selon moi, la véritable humanité de tout discours ne pourra jamais complètement être retranscrite par ces machines. L’interprète aura toujours son rôle à jouer, celui de relier des cultures, de détecter les pièges linguistiques, la quintessence du message. Souhaiteriez-vous une voix de robot plusieurs heures par jour dans votre oreille ? Moi pas, en tous cas. Au théâtre, on ne voudrait pas non plus avoir un robot sur scène qui déclame du Tchekhov ou du Molière. L’artifice de la machine ne pourra jamais remplacer le besoin de l’humain de se retrouver, de partager, en un mot de vivre.
Références pour acheter le livre « Acrobate de l’instant » :
Acrobate de l’instant ; L’interprétation de conférence sur le fil paru le 30 septembre 2021 aux Éditions Mon Village. Disponible en librairie et en version numérique. Plus d’informations se trouvent à l’adresse : www.acrobate-de-l-instant.com